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   Posté le 07-06-2007 à 19:40:44   Voir le profil de migue2b (Offline)   http://www.twirlingclubbastiais.asso.st   Envoyer un message privé à migue2b   

Maladie Coeliaque : faut-il dépister ?
Christophe Cellier, Hôpital Européen Georges Pompidou
La maladie coeliaque (MC) est une maladie auto-immune caractérisée, dans sa forme classique, par une atrophie villositaire totale ou subtotale prédominant au niveau de l’intestin grêle proximal, secondaire à l’ingestion de gluten. La prédisposition génétique de cette maladie est importante, puisque près de 95% des sujets atteints présentent un HLA de classe II de type DQ2 ou DQ8. Considérée encore récemment comme rare et affectant essentiellement l’enfant, la prévalence de la maladie a été réévaluée. Celle ci est maintenant estimée à 1/200 (entre 1/100 et 1/500) en Europe et aux USA avec une majorité de cas diagnostiqués à l’âge adulte (1). Plus de 150 000 français, plus de 2 millions d’Européens et d’Américains du Nord seraient donc affectés par cette intolérance au gluten (blé, seigle, orge). Deux études séro-épidémiologiques récentes réalisées chez l’adulte en France confirment ces données avec des prévalences de 1/388 (cohorte MONICA du Nord de la France) et 1/643 (cohorte SU.VI.MAX) (2,3). La majorité des sujets adultes avec une MC sont cependant asymptomatiques, peu symptomatiques ou encore présentent des symptômes atypiques. Ainsi la forme classique de la maladie avec la triade diarrhée, douleurs abdominales et syndrome de malabsorption du grêle ne représente probablement que moins de 20% des cas diagnostiqués actuellement (1). On peut à titre d’exemple noter que 30% des nouveaux cas de MC diagnostiqués aux USA présentent une surcharge pondérale ou que la majorité des nouveaux cas diagnostiqués chez l’adulte le sont après l’age de 45 ans (1). La présentation clinique de la MC a donc été bouleversé et sa fréquence s’est considérablement accrue depuis la réalisation d’études séro-épidémiologiques (recherche des anticorps sériques anti-gliadine, anti-endomysium et anti-transglutaminase avec biopsies duodénales de confirmation) dans des populations non sélectionnées. Cela en fait incontestablement l’une des maladies digestives les plus fréquentes, mais souvent non diagnostiquées. Les symptômes conduisant au diagnostic de MC sont en effet polymorphes ou mineurs, avec fréquemment des manifestations extra-digestives (1). Devant cette maladie protéiforme ou asymptomatique, le corps médical en général et les gastroentérologues en particulier restent perplexes. Faut-il dépister et traiter cette pathologie si fréquente, mais si peu symptomatique ?. Faut-il envisager un dépistage à l’échelon des populations ? Même si certains préconisent une telle stratégie, il est à mon sens plus réaliste d’envisager une recherche ciblée de la MC dans des populations ciblées à haut risque de développer la maladie.

I – Quels sont les sujets à risque de MC?
Si un syndrome de malabsorption du grêle reste une présentation clinique classique de la MC, le diagnostic doit, en particulier chez l’adulte, être évoqué devant des symptômes minimes, des manifestations extra-digestives ou dans des groupes à risque.

– Symptômes mineurs ou extra-intestinaux
Le diagnostic de MC peut être évoqué devant une augmentation inexpliquée des transaminases, voire une hépatopathie sévère inexpliquée (4,5), une anémie par carence en fer, en folates ou en vitamine B12 isolée (1), une aphtose buccale récidivante (1) ou encore des symptômes évocateurs de troubles fonctionnels intestinaux (6). Des manifestations essentiellement extra-intestinales sont également fréquemment révélatrice de la maladie : déminéralisation osseuse inexpliquée, arthralgies, troubles neurologiques (épilepsie, neuropathie périphérique d’origine carentielle, migraine ou ataxie), cardiomyopathie dilatée idiopathique ou encore troubles de reproduction (amenhorrée, infertilité, hypotrophie fœtale ou fausses couches à répétition) (1).

– Groupes à risque de Maladie Coeliaque
Le déterminisme génétique de la maladie est important, puisque 95% des malades expriment un HLA de classe II de type DQ2 ou plus rarement de type DQ8. De ce fait il existe un risque accru de MC chez les apparentés aux premier degré de malades coeliaques (10 à 20%), chez les diabétiques de type I (5%) et chez les sujets atteints d’autres maladies auto-immunes (thyroïdite, cirrhose biliaire primitive, dermatite herpétiforme, alopécie, urticaire, psoriasis, vitiligo, ataxie….). Le risque de MC est d’autant plus grand chez les sujets atteints de maladies auto-immunes multiples ( de 5% à 30%). Un dépistage et un traitement précoce de la MC pourrait prévenir, pour certains auteurs, l’émergence de maladies auto-immunes associées (7), mais ces données restent controversées (cf infra). Le régime sans gluten ne permet pas habituellement la guérison des maladies auto-immunes associées, hormis pour la dermatite hérpétiforme, l’urticaire, le psoriasis, l’alopécie ou l’ataxie (1,7,8). Un dépistage sérologique des enfants asymptomatiques de sujets atteints de MC peut être proposé à partir de l’âge de 2 ans, car un diagnostic précoce pourrait permettre d’éviter la constitution d’une déminéralisation durant la croissance et un risque de petite taille à l’âge adulte (9,10). Un risque accru de fractures (9) et de petite taille à l’âge adulte a été rapporté chez les sujets atteints d’une MC de l’enfant non traitée (9,10). Une MC asymptomatique peut être également présente chez 1 à 5% des patients souffrant d’une ostéoporose idiopathique qui est la seule manifestation de la malabsorption intestinale du calcium et de la vitamine D (1,8).

II – Quel est le bénéfice attendu du diagnostic et du traitement des sujets atteints de maladie coeliaque peu symptomatique ou asymptomatique?
Le dépistage des formes peu symptomatiques ou silencieuses de la MC peut se justifier soit par l’amélioration de manifestations même mineures, mais invalidantes soit par la prévention de complications telles le lymphome, les maladies auto-immunes ou la déminéralisation osseuse.

- Amélioration des symptômes
Chez les patients avec une atrophie villositaire, le régime sans gluten (RSG) permet habituellement la rémission de symptômes liée à l’intolérance au gluten en particulier les troubles digestifs mimant une pathologie fonctionnelle banale (diarrhée, douleurs abdominales, ballonnements…), l’anémie ou les apthes (1,6). Les liens entre pathologie fonctionnelle intestinale et intolérance au gluten pourraient dans l’avenir être revisités. Ainsi une étude, réalisée en Allemagne, a suggéré que certains cas de syndromes de l’intestin irritable avec une diarrhée d’allure fonctionnelle, répondant aux critères de Rome II, et un bilan endoscopique et histologique (biopsies duodénales et coliques) normal pouvaient être secondaires à une intolérance au gluten latente. Parmi les sujets atteints de troubles fonctionnels, 35% avaient le génotype HLA-DQ2 (95% chez les coeliaques), 23% une lymphocytose intra-épithéliale. Aucun n’avait des anticorps sériques détectables (AGA ou tTG), mais 30% avaient des anticorps présents dans le suc duodénal. Après un RSG, une diminution significative des symptômes a été observée chez les sujets avec un génotype HLA-DQ2 et des anticorps AGA et/ou tTG présents dans le suc duodénal (11). Ces données, si elles se confirment, suggèreraient qu’un sous groupe de sujets souffrant de diarrhée étiquetée fonctionnelle pourrait en fait avoir une MC latente ou plutôt une intolérance au gluten « a minima » , et bénéficier d’une exclusion du gluten alimentaire avec à long terme une diminution de la consommation de soins si fréquente chez ces patients (12). L’augmentation des transaminases associée à la MC, se normalise dans 90% des cas après 1 an d’éviction du gluten et une biopsie hépatique n’est requise qu’en cas d’échec du régime bien suivi (5). Quelques cas d’hépatopathies sévères justifiant d’une transplantation hépatique et associées à une MC ont été spectaculairement améliorées par un RSG (4). Les troubles neurologiques associés à l’intolérance au gluten soit centraux, à type d’ataxie ou de migraine, soit périphériques à type de neuropathie semblent bénéficier dns certains cas de l’éviction du gluten (8). Une MC méconnue a été détectée chez près de 1,2% des femmes enceintes asymptomatiques et était associée à un risque accru de fausses couches à répétition ou d’une hypotrophie fœtale. Le bénéfice du RSG sur le devenir des grossesse ultérieures n’est pas démontré, mais a été rapporté (13).

- Prévention des complications secondaires à une MC non diagnostiquée.
Le dépistage de sujets coeliaques asymptomatiques pourrait se justifier si il existe un bénéfice pour prévenir la survenue de complications graves: lymphome, maladie auto-immune ou ostéopénie. La survenue d’un lymphome invasif ou d’une sprue réfractaire (forme de lymphome T intra-épithélial de bas grade (14)) est une complication rare de la MC. Le risque de lymphome de haut grade avait été initialement estimé à 80 fois supérieur à celui d’une population contrôle pour les sujets ne suivant pas le RSG et ce risque était significativement minoré par un RSG bien suivi (x20) (15). Le risque de lymphome ou de cancer a été récemment réévalué sur une étude du registre suédois comportant plus de 24000 cas de MC hospitalisées et apparaît significativement moindre avec un risque relatif de 6 pour le lymphome intestinal et de 1,3 pour tout type de cancer (16). De plus dans une série comportant un suivi longitudinal de plus de 1000 malades sur 30 ans, les cas de lymphome invasif (1%) ont été observés uniquement chez les sujets symptomatiques au moment du diagnostic et jamais chez les patients asymptomatiques diagnostiqués lors d’ un dépistage (17). Cependant dans la majorité des séries, seulement la moitié des lymphomes associées aux entéropathies surviennent sur une MC préalablement connue et 50% révèlent une MC silencieuse. Le bénéfice d’un dépistage pour prévenir ces cas de lymphome compliquant une MC asymptomatique n’est pas connu, mais le risque de lymphome associée à la MC semble si faible qu’il ne peut à lui seul justifier un dépistage de masse. La MC est fréquemment associé à d’autres maladies auto-immunes, parfois multiples dans 5 à 30% des cas. Une étude italienne a montré, chez des enfants et des adultes jeunes, que l’âge tardif au diagnostic de la MC était significativement corrélé à une fréquence accrue d’autres maladies auto-immunes (7). Ces données pourraient donc constituer un argument pour un dépistage précoce de la MC afin de prévenir l’émergence d’autres pathologies auto-immunes, mais d’autres études et notamment chez l’adulte n’ont pas confirmé cette hypothèse (10). Le dépistage de la MC pourrait se concevoir chez les patients atteints de pathologies auto-immunes, surtout si elles sont multiples, susceptibles d’être améliorées par un RSG ou si il existe un risque important d’ostéopénie fracturaire (corticothéraphie prolongée par exemple…). Le risque de déminéralisation osseuse, évalué par ostéodensitométrie osseuse, est important (près de 50% des cas) que la MC soit symptomatique ou non (9,18-20). Il semble exister un risque de fractures au niveau des membres chez les malades coeliaques non diagnostiqués (9), mais les données concernant le risque fracturaire qui semble faible doivent être consolidées (21). Le RSG permet une régression partielle de la déminéralisation osseuse et constitue incontestablement un argument pour justifier et motiver un régime contraignant chez des sujets asymptomatiques (20). Inversement une recherche systématique d’une MC méconnue semble justifiée chez les patients atteints d’ostéoporose inexpliquée ou atypique, puisqu’une MC silencieuse y a été diagnostiquée comme la cause de la déminéralisation osseuse dans 5% des cas (1, 20).

III Quel est le risque de ne pas traiter une MC asymptomatique ?.
La seule possibilité de répondre formellement à cette question serait d’évaluer prospectivement sur une durée très prolongée le devenir de deux groupes (régime sans gluten et régime normal) de MC asymptomatique diagnostiquée par dépistage. Cette étude est difficile, voire impossible à mettre en place. Pour obtenir une réponse à cette question, nous étudions le devenir à l’âge adulte de sujets chez qui un diagnostic de MC avait été posé dans l’enfance et qui avaient repris un régime normal, sans réapparition de symptômes. Après 14 ans en moyenne d’un régime normal, aucun cas de lymphome ou de MAI n’a été observé dans notre série de 45 patients. Cependant plus de 80% avaient une atrophie villositaire associées à des carences biologiques et plus de 50% avaient une déminéralisation osseuse, parfois sévère (22). Avec le même objectif, Cosnes et coll a montré que les patients avec des symptômes évocateurs de MC dans l’enfance, mais diagnostiqués seulement à l’âge adulte avaient une plus petite taille et un risque accru d’infertilité qu’une population contrôle appariée (10).

IV – Comment dépister ?
A l’échelon individuel, la recherche de la MC peut s’envisager dans 2 situations distinctes. La première est celle ou une endoscopie haute est réalisée, par exemple devant des troubles digestifs apparemment fonctionnels, une anémie ou un amaigrissement... Des biopsies duodénales systématiques doivent être réalisées pour rechercher une atrophie villositaire, même en présence d’un aspect endoscopique normal de la muqueuse duodénale. La seconde situation est celle ou les symptômes ne justifient pas la réalisation d’une endoscopie haute (par exemple une augmentation inexpliquée des transaminases) ou devant un sujet asymptomatique, mais appartenant à un groupe à risque (apparenté d’un patient coeliaque par exemple). Une étude sérologique sera réalisé en première intention. Elle comporte un dosage pondéral des immunoglobulines (pour rechercher un déficit sélectif en IgA, présent chez 2 à 3% des MC) et une recherche d’anticorps sériques anti-endomysium (AEM) de type IgA. En cas de déficit en IgA, cette recherche sera complétée par une recherche d’AEM de type IgG ou d’anticorps antigliadine (AGA) de type IgG, souvent plus disponibles en pratique courante(1-3). Une biopsie duodénale ne sera proposé qu’en cas de positivité des AEM IgA ou des AEM et/ou AGA de type IgG associés à un déficit sélectif en IgA. L’utilisation des anticorps anti-transglutaminase récemment disponibles sous forme de test ELISA reste encore à valider et la seule positivité de ces anticorps ne doit pas conduire à la réalisation de biopsies, hormis un contexte clinique très évocateur de MC, en raison d’un taux important de faux positifs (3).

Conclusion
L’émergence d’un nombre très important de cas de MC asymptomatique ou peu symptomatique pose actuellement la question du dépistage et du bénéfice attendu. Certains prônent un dépistage à grande échelle en s’appuyant sur les recommandations de l’OMS. Celles ci préconisent un dépistage de masse d’une maladie si la détection précoce de celle ci est difficile à partir de signes cliniques caractéristiques, si la maladie est fréquente et responsable d’une morbidité significative au sein de la population générale, si les tests de dépistage sont sensibles et spécifiques, si un traitement est disponible et enfin si l’absence de diagnostic précoce favorise la survenue de complications sévères difficiles à traiter. Stricto sensu, la MC pourrait en effet rentrer dans ce cadre et déjà certains experts sont ouvertement favorables à la généralisation de ce dépistage (23). Pour ma part, je pense qu’une telle stratégie n’est pas souhaitable et nécessiterait préalablement des études avec un suivi à très long terme pour évaluer le bénéfice en terme de santé publique. Actuellement il me semble plus opportun de sensibiliser le corps médical dans son ensemble aux nouvelles manifestations de la maladie qui reste très peu connue en particulier en médecine générale et dans d’autres spécialités (endocrinologie, neurologie, rhumatologie, gynécologie…). Le dépistage doit ainsi être ciblé et porter sur des groupes à risque, tels les patients souffrant de symptômes digestifs minimes ou avec des manifestations extra-intestinales (anémie, troubles fonctionnels intestinaux, ostéopénie…). Il semble également licite de le proposer aux sujets asymptomatiques à haut risque (enfants des sujets atteints de MC, maladies auto-immunes, ostéoporose inexpliquée) chez qui un dépistage et un régime sans gluten peut prévenir ou corriger les complications osseuses, telles l’ostéopénie.
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